Aujourd'hui 2 avril c'est la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme et vous parler ici de cette cause me tient à cœur.
L'autisme n'est pas une maladie, cela ne se guérit pas. On naît autiste et on le reste jusqu'à la fin de sa vie. C'est un fonctionnement atypique du cerveau dont les manifestations sont considérées comme un handicap dans notre société où la différence n'est toujours pas comprise, encore moins acceptée.
Les caractéristiques obligatoires pour établir un diagnostic par un médecin sont :
- un déficit persistant de la communication et des interactions sociales
- des comportements, des intérêts restreints et répétitifs
- les symptômes sont présents dès l'enfance et provoquent des limitations significatives voire envahissantes dans la vie quotidienne
Ces critères ne signifient peut-être rien à leur lecture pour vous. À leur lecture, il ne signifiait rien pour moi non plus. À ces critères il faut rajouter tout ce qui n'est pas dit : les particularités sensorielles (hyper ou hypo sensibilité des sens qui changent la perception de la douleur), les troubles alimentaires, ceux qui parlent sans cesse, ceux qui sont mutiques, une mémoire particulière, les troubles de l'attention, l'agitation, les maladresses, la fatigabilité...
Dans la "vraie" vie, cela veut dire que ce sont des enfants qui peuvent refuser dès bébé de manger, ne mettent rien à la bouche, hurlent lorsqu'ils touchent du sable, crient lorsque les chaussettes sont mal mises, pleurent devant des aliments en morceaux ou d'une couleur particulière, n'avalent pas, peuvent se laisser mourir de faim, cogneront les jouets ensemble mais n'en feront rien d'autres, aligneront les petites voitures autant qu'il y en a, feront des colères si l'une d'elle a bougé d'un millimètre parce qu'ils se rappelleront exactement l'emplacement de chaque voiture et que l'ordre c'est le contrôle d'une vie dont ils ne déchiffrent pas les codes.
L'imprévisible, c'est l'angoisse : un chien qui aboie, une moto qui démarre trop vite...l'angoisse, elle est quotidienne pour ces enfants-là : l'angoisse de séparation, l'angoisse de ne pas comprendre, d'échouer, de parler, de lire...plus tard ce sera l'angoisse de la mort, de la maladie, parfois très tôt dès 4 ans. La vie par essence est incontrôlable et cela est insupportable, ce sont des pleurs inconsolables que seul l'épuisement feront taire le soir dans les bras de leur parents.
L'incompréhension, c'est de la colère : perdre à un jeu où il pensait gagner, le copain qui fait quelque chose qu'il ne comprend pas, ne pas réussir, attendre...
L'incompréhension, c'est parler à ces enfants-là et oublier qu'ils n'ont pas le même langage que nous, et provoquer encore et toujours une colère...c'est leur dire une phrase banale comme "ne touche plus à rien, j'arrive" et retrouver l'enfant en larmes car il échoue à cette injonction de ne toucher à rien puisqu'il est obligé de toucher le sol...
C'est avoir un enfant absent face aux pleurs, à la douleur ou à la colère des autres, même de ses proches.
C'est un enfant en souffrance dans un monde dont il ne comprend pas intuitivement pas les codes. Les colères, les pleurs, les objets machouillés à longueur de journée ce sont les expressions de son angoisse.
Dans la "vraie" vie, ce sont des parents qui se sont posés plein de questions et ont reçu beaucoup de remarques "je n'avais jamais vu un enfant comme ça avant", "il est très colérique, on ne peut rien lui dire, il doit être le roi à la maison", "il ne veut pas manger ? Ça c'est parce que vous travaillez trop madame, les enfants se vengent toujours sur leur mère à travers la nourriture", "il a trop d'angoisse de séparation, vous l'avez laissée trop jeune à la crèche", "tout se passe bien avec votre mari à la maison ?", "Un enfant ne se laisse jamais mourir de faim", "ne cédez pas à ses caprices sur la nourriture" etc.
Alors ce sont des parents qui se sont tus. Ils n'ont plus parlé des troubles alimentaires, des colères quotidiennes, des coups qu'ils ont reçu de leur enfant, des playmobils alignés qui ont remplacés les voitures, de la mémoire exceptionnelle, des hypersensibilités, de la non reconnaissance des émotions...
Et puis un jour, il y a la rencontre avec le bon professionnel qui écoute et qui envoie vers un psychiatre. Celui qui écoute encore, celui qui tout doucement vous oriente vers un diagnostic qu'aucun parent n'a envie d'entendre.
Et puis le diagnostic officiel arrive. Toutes les difficultés qui ont été banalisées, jugées, subies depuis la naissance sont enfin reconnues. Elles portent un nom : autisme, troubles du spectre autistique ou syndrome d'Asperger, peu importe. Pour la première fois, les parents sont entendus, sont soutenus, la mère n'est plus pointée du doigt et parfois même ils sont félicités d'avoir compris que dans le regard de leur enfant il n'était pas question de caprice mais bien d'autres choses.
Le diagnostic n'est cependant que la 1e étape : il faut maintenant parler MDPH, EE, ESS, GHS, AVS, méthode ABA, TEACCH et bien d'autres acronymes qu'il faut apprendre pour mieux vivre ensemble, pour la reconnaissance du handicap et pour une scolarité adaptée.
Mon fils Vincent a été diagnostiqué autiste Asperger en novembre dernier a presque 6 ans. Si l'autisme était mieux connu des professionnels de la petite enfance, Vincent aurait pu être repéré dès l'âge de 2 ans car les signes étaient là.
Vincent n'a jamais été tout à fait un enfant comme les autres mais il est avant tout un enfant, notre enfant.
C'est un peu de notre histoire et de son histoire que j'ai voulu vous raconter lors de cette journée de sensibilisation à l'autisme.
Pour en savoir plus :
https://www.spectredelautisme.com/trouble-du-spectre-de-l-autisme-tsa/informations-caracteristiques-diagnostic-syndrome-d-asperger/
https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/autisme